Une décision du juge des référés du Conseil d'État, le 19 novembre dernier, a conseillé au préfet de Paris d'héberger sous tentes certains demandeurs d'asile. Selon le Conseil d'Etat, il appartiendrait à l'administration de "recourir à des modalités d'accueil sous forme de tentes ou d'autres installations comparables". Ce palliatif servirait à compenser le manque de places dans les centres spécialisés et la pénurie de crédits pour les loger dans des structures alternatives ou en hôtels. À l'heure actuelle, ils sont des centaines à être laissés à la rue.
En France, rappelle le Gisti, les capacités du dispositif national d'accueil comportent, depuis 2006, 20 410 lits quand il en faudrait au moins le double. Le manque de places d'accueil ne relève donc pas d'un accident de parcours. Il est le fruit d'une politique.
La décision du Conseil d'Etat est doublement condamnable. D'une part, elle est inadmissible sur le plan humain. Elle l'est aussi sur le plan du droit, dont le Conseil d'État est censé veiller à l'application. Depuis 2003, en effet, une directive européenne impose aux pays membres de l'UE des "normes minimales" selon lesquelles ils doivent assurer des "conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière" dans l'objectif du "plein respect de la dignité humaine".
Si, en cas de nécessité, cette directive autorise des modalités d'accueil différentes, c'est "à titre exceptionnel" et "pendant une période raisonnable, aussi courte que possible". Or, en France, ce manque de moyens est chronique, ce qui empêcher quantité de demandeurs d'asile d'expliquer les raisons de leur exil dans des conditions normales.
Au mépris de cette réalité, le Conseil d'État considère, depuis 2009, que les demandeurs d'asile bénéficiaires de la seule allocation temporaire d'attente (ATA), dont le montant s'élève à 10,67 euros par jour ou 320 euros par mois, n'ont pas besoin, en plus, d'être hébergés. Comme s'il était possible, avec un pécule aussi minime, de se loger, de s'alimenter, de se vêtir, de se soigner, sans même parler de s'éduquer, de se cultiver ou de se distraire.