Depuis le coup d'Etat manqué du 19 septembre 2002, la Côte d'Ivoire, longtemps considérée comme la vitrine de la France en Afrique, est plongée dans le chaos et dans une guerre larvée. Le pays compte plus d'un million de déplacés, les affrontements ont fait des milliers de morts. On évoque le spectre du Rwanda, on met l'accent sur des conflits ethniques ou même religieux. Qu'en est-il vraiment? Pour le savoir, le mieux était d'interroger ceux qu'on n'entend jamais, les vraies victimes de la crise. Des anomymes qui, de Bouaké dans le nord, à Danané et Man dans l'ouest, à Abidjan, Yamoussoukro et Gagnoa dans le sud, racontent leurs souffrances mais aussi leurs espoirs. Thérèse, la lycéenne d'Abidjan, qui après s'être déchaînée sur des airs de Zouglou, entre dans une transe antifrançaise, Babeth, la pâtissière française revenue malgré les pillages, Abdel qui a fui dans la brousse à l'arrivée des rebelles, Nathanael, l'octogénaire, qui dénonce la cupidité des hommes politiques, René, l'humanitaire qui s'inquiète de l'avenir de enfants, le gamin déplacé qui veut devenir policier "pour tuer les rebelles", la coiffeuse du marché qui propose des coupes "Marcoussis", l'étudiant de Bouaké qui craint l'accueil de ses frères du sud, le chauffeur de taxi qui dénonce les pratiques des "corps habillés", le vieux Burkinabé qui ne comprend pas pourquoi ses enfants ne sont pas ivoiriens, l'adolescent qui rêve d'aller à l'école, l'évangéliste qui promet un monde meilleur, et tant d'autres... A côté de ces personnages, on rencontre Tiken Jah Fakoly, le chanteur de reggae exilé à Bamako qui livre son diagnostic sur les maux de son pays, Didier Drogba, la star de Chelsea, Adama Dahico, le "Coluche" ivoirien (d'origine malienne) qui analyse avec un humour ravageur la crise politique de son pays, John Jay, l'animateur télé du "Coq à l'Ane", expert en dérision et en création de gags absurbes, les chanteurs de "David et Goliath", auteur du tube éponyme qui veut "déshabiller" les Français, Laurent Gbagbo, le président ivoirien, filmé autour du "lac aux caïmans" de Yamoussoukro, l'équipe de Gbich, le journal satirique ivoirien. Les Français, on les voit à l'oeuvre dans l'ouest du pays où leur action militaire de pacification est saluée par la population, mais aussi en novembre 2004, devant l'hôtel Ivoire, où ils tirent sur une foule de manifestants.
Le film est rythmé par de nombreuses séquences musicales avec Santhey, la chanteuse camerounaise qui, du 24è étage de l'hôtel Ivoire, exprime son spleen devant la vision d'un pays faisant naufrage. Elle est également l'auteur de la musique originale du film, un mélange de voix et de cris humains.
"Paroles d'Ivoire" refuse pourtant de sombrer dans l'afro-pessimisme. Le film espère même donner une autre vision de l'Afrique, à travers la beauté des images et celle des sentiments. Et montrer, que malgré les tragédies du moment, un autre avenir est possible.
Ce qu'il faut aussi savoir
"Paroles d'Ivoire" a été tourné entièrement en Côte d'Ivoire du 1er décembre 2004 au 6 avril 2005, sauf une séquence à Bamako (Mali). Le montage a été effectué à Abidjan sur Mac à partir d'un cinquantaine d'heures de rushes. Pour les prises de vues, nous avons utilisé une petite caméra Sony PD170 et une bétacam appartenant au réalisateur Bernard Simon.
Le scénario du film est très librement inspiré du livre "Fantômes d'Ivoire" de Philippe Duval paru aux éditions du Rocher en octobre 2003 L'équipe est composée de Philippe Duval (mise en scène et scénario), Bernard Simon et Siriki Baïkro (réalisation). L'image et le son sont l'oeuvre des français Bernard Simon et Thibault Marsan-Bacheré et des Ivoiriens Sékou Traoré, Nestor Kouamé Konan, Laurent Yao Kouakou, Pascal Yao Kouakou, Christophe Degni, Noël Kouadio Kongoué, Armand Brice Tchikamen et Eric Mike Ayangha.
Philippe Duval est journaliste au service de politique étrangère d'un grand quotidien parisien après avoir exercé au service culture et télévision.
Bernard Simon a réalisé une soixantaine de documentaires en Afrique et dans les pays du sud. Il est notamment l'auteur d'unesérie documentaire sur les Tirailleurs (sénégalais, malgaches, indochinois...).
L'Ivoirien Siriki Baïkro, qui a travaillé à la réalisation de plusieurs documentaires avec Bernard Simon, est à la tête d'une entreprise de production audiovisuelle, notamment spécialisée dans le spot publicitaire.
La musique originale "Nation for Ever" est de Santhey. Elle interprète également Saudade de Cesaria Evora, Redemption Song de Bob Marley et Imagine de John Lennon. Tiken Jah Fakoly chante " Le pays va mal". "David contre Goliath" est interprété par Pat Saco, Vieux Gazeur, Petit Yodé et Bagnon (absent dans le film).
La collaboration de tous les "acteurs" du film est bénévole et totalement désintéressée.
"Paroles d'Ivoire" devrait être diffusé prochainement par une télévision française dans une version de 52 minutes.
Soutiens: l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, la Radio Télévision Ivoirienne qui nous a prêté ses archives, le ministère ivoirien de la Réconciliation Nationale, l'Onuci qui nous a transporté à Bouaké, l'armée française en Côte d'Ivoire qui nous a accompagné dans l'ouest du pays, l'hôtel Ivoire, la compagnie Air Ivoire.
Pays de production : France / Côte d'Ivoire
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