Quel est ton parcours musical?
Je suis Oumara Moctar, dit "Bambino". C'est mon nom de scène. Comme il y avait deux Omar à Agadez et que j'étais le plus jeune, on m'a appelé "Bambino", le petit en Italien. J'ai commencé à m'intéresser à la musique vers la fin 92, début 93, j'avais 12 ans. Je me suis débrouillé pour avoir une guitare et je suis venu à Niamey mais je suis né à Agadez. C'était chez un peintre, Ixa, qu'on descendait à Niamey à cette époque. Ixa était un artiste, il avait beaucoup de guitares et j'ai pu en jouer. Un an après, je suis retourné à Agadez et c'est là que j'ai rencontré un groupe nommé Tartit, qui existait avant le groupe des femmes du Mali. Il n'existe plus maintenant. Là, j'ai commencé à être dans le milieu de la musique mais je ne jouais pas tellement, je cherchais un apprentissage et j'ai alors rencontré monsieur Aja. Il avait étudié la musique à Bamako pendant 6 ans, dans les années 60. Aja avait des livres sur la théorie de la musique. C'est lui qui nous a appris le nom de chaque note, les accords? Il voulait former des jeunes.
Mais avant, tu avais déjà entendu d'autres artistes jouer de la guitare ?
Oui, bien sûr, j'avais d'abord entendu Intiyeden, puis Abdallah Oumbadougou et Kedou, mais là je te parle des années
1993/1995, pendant la rébellion. Le message passait par la musique. Chaque fois, à la maison, on écoutait les nouvelles cassettes.
Tu étais enfant à ce moment là?
Oui et j'écoutais juste les cassettes. Vers la fin 1995, j'ai eu envie de voyager un peu et j'ai participé au film "Imuhar" qui se passait dans le Nord d'Agadez. J'ai travaillé comme figurant pour pouvoir voyager. A chaque fois que des cousins venaient de Tamanrasset, de Djanet ou de Lybie, ça donnait envie de partir et de découvrir tout ça à mon tour. Donc je suis parti à Tamanrasset à l'âge de 14 ans, où j'ai rencontré de jeunes musiciens. J'y ai passé 3 mois, puis je suis parti à Djanet.
Là je n'ai pas rencontré de musiciens mais j'ai pris la montagne vers la Libye. C'était un voyage clandestin. C'est en Libye que j'ai commencé à regarder des cassettes
vidéos de Jimi Hendrix ou Dire Straits, ça m'a beaucoup plu. On faisait des échanges avec les amis en Libye car ils avaient des choses nouvelles que je ne connais- sais pas et réciproquement. Ces échanges m'ont beaucoup aidé. Après un an et demi, je suis retourné à Agadez. A Agadez, on jouait par-ci par là en apprenant les accords. En 1997, Abdallah Oumbadougou a ouvert un endroit, "La belle étoile", on s'y retrouvait chaque soir pour jouer. Pour moi, c'était un avantage car plus on répète, plus on évolue.
Chaque après-midi, je retournais chez Aja pour voir les accords. Il n'y avait qu'un seul livre donc il fallait recopier. Et chaque soir, j'expérimentais à "La belle étoile" ce que j'avais appris la journée sur les guitares électriques (c'était rare d'avoir une guitare électrique). Les années ont passé et j'étais aussi très intéressé par les voyages de tourisme. J'avais mon per- mis et mon père m'avait appris à guider les gens dans le désert. Donc j'ai travaillé comme guide ou aide cuisinier et une fois la saison finie, j'achetais une guitare et des cordes. J'ai fait ça durant quelques années, je travaillais là où je pouvais. En 2004, une équipe espagnole est venue pour faire un film documentaire et a organisé une rencontre dans le ténéré, au nord d'Agadez. Moi, j'étais là en tant qu'aide cuisinier et on avait une guitare pour jouer le soir dans les campements.
On nous a proposé d'enregistrer ce qu'on jouait dans le désert, dans l'endroit qu'on appelle Agamgam. C'est là d'où vient
l'enregistrement, j'ai voulu qu'on lui donne le nom du lieu où il a été fait. On l'a réalisé en deux jours.
As-tu enregistré d'autres albums?
En ce moment, je suis sur le deuxième album qu'on appelle "Agadez". Il n'est pas encore sorti. Je travaille avec Ron Wyman aux USA. Ça fait 3 ans qu'il cherche à faire un documentaire sur l'histoire de Bambino. C'est ce que l'on a commencé à faire à Ouagadougou en février dernier, il a passé trois semaines avec moi. Deux mois après, je suis parti le rejoindre à Boston. C'est là que j'ai enregistré l'album Agadez, c'est la BO du documentaire. Ce sera mon deuxième album avec Agamgam.
Propos recueillis par Anouck Genthon à Niamey en septembre 2009